Teresa Carreño (1853-1917)
Sa Vie Plus grande femme virtuose de son époque, surnommée la walkyrie, l'amazone ou la lionne du piano, Teresa Carreño (son nom complet est María Teresa Gertrudis de Jesús Carreño García) a reçu les éloges de la part des plus célèbres compositeurs (Rossini, Liszt, Brahms...) et interprètes (Joseph Hofmann (1876-1957), Wilhelm Backhaus (1884-1969), Arthur Rubinstein (1887-1982), Ignaz Paderewski (1860-1941), Claudio Arrau (1903-1991)) de son temps. Elle a aussi composé une cinquantaine d'oeuvres dont l'opus 1 fut dédié à Gottschalk qui fut son professeur et reconnut, dès 1862, le génie de cet enfant prodige. Pourtant, Teresa Carreño fut rapidement oubliée après sa mort, sa condition de femme et son origine sud-américaine n'ayant certainement pas joué en sa faveur. Elle n'est en effet que peu citée dans les livres sur l'histoire de la musique. Née à Caracas, Vénézuela, Teresa est fille d'un père diplomate (il fut ministre) et musicien, petite-fille d'un grand musicien venezuélien et grande nièce de Simon Bolivar (1783-1813). Ses débuts au piano ressemblent à ceux de Gottschalk puisqu'il est dit qu'elle aurait joué, dès 3 ans, un air au piano révélant un don que son père aurait tout de suite remarqué. Il deviendra son premier professeur puis un pianiste célèbre du Venezuela, Julio Hohené, prendra le relais. A 8 ans, Teresa Carreño peut déjà se produire sur scène. A 9 ans, elle part pour New York où elle retrouve Gottschalk qui avait déjà entendu parler d'elle. "(Trad.)La petite Teresa n'est pas seulement un enfant merveilleux mais un véritable génie. Dès que je m'installe à New York, j'ai l'intention, en loisir, de me consacrer à son enseignement musical." Il lui donne ainsi plusieurs cours qui seront plus orientés vers la compréhension du sens profond des oeuvres que vers la simple execution technique que son élève maîtrise parfaitement. Elle joue le Bananier et apprend Jerusalem par coeur en quelques jours seulement. Elle se produit alors au Irving Hall où elle a un énorme succès, notamment avec cette dernière oeuvre et le Moïse de Thalberg. Elle joue en bis la Gottschalk's Waltz qu'elle a composée pour son professeur, le jour même de leur rencontre. Ce sont dans ces jeunes années qu'elle composera la majorité de ses oeuvres. Gottschalk décrit alors les précoces talents de son élève dans ce domaine : "(Trad.) Teresa Carreño n'appartient pas au genre du petit prodige que nous avons pu juger pendant les vingt-cinq dernières années; Teresa est un génie. . . Ses compositions révèlent une sensibilité, une grâce et un talent artistique comme ceux qui semblent être le privilège exclusif du travail et de la maturité de l'âge... Elle appartient à la classe de ces privilégiés par la Providence, et je n'ai pas le moindre doute qu'elle sera l'un des plus grands artistes de notre temps." En 1863, à 10 ans seulement, elle fait un triomphe à Boston où elle joue des oeuvres de grande difficulté. Elle part de même à la Havane où Gottschalk la recommande à son ami Espadero. Celui-ci lui donne quelques leçons mais s'énerve vite des éloges excessifs faits à cette jeune enfant que certains comparent à Chopin. En 1865, elle part en Europe. Camille Stamaty, le professeur de Gottschalk, en apprenant qu'elle jouait la Fantaisie de Liszt sur Lucie de Lammermoor (la même oeuvre que Gottschalk jouait régulièrement dans sa jeunesse parisienne) dit : "Seule une américaine est capable de faire celà". Elle étudie alors à Paris avec Georges Mathias (1826-1910), un ancien élève de Chopin qui fut aussi professeur de Satie et Dukas. Elle jouera ensuite devant Rossini et Liszt. Celui-ci lui dit : "Petite fille, Dieu t'a donné le plus grand des dons, le génie. Travaille, développe ton talent. Au-dessus de tout, reste fidèle à toi-même, et alors, avec le temps, tu deviendra l'une des notres" . Liszt propose de lui donner des cours mais Teresa refuse de l'accompagner pour cela en Italie. Rossini lui fait une lettre de recommandation pour l'Angleterre, indiquant qu'elle fut l'élève de Gottschalk. En 1868, là-bas, elle fait la connaissance d'Anton Rubinstein qui propose aussitôt de lui donner des leçons de piano. En France, elle essaie d'entrer au conservatoire de Paris mais on lui en refuse l'entrée à la fois à cause de son origine et du fait qu'elle a un niveau déjà suffisamment élevé. Elle fait alors aussi plusieurs voyages en Espagne, Hollande et Belgique. Révélant aussi une belle voix de mezzo-soprano, Rossini la voit comme prima donna. Dans la compagnie d'opéra de Mapleson (1830-1901), elle prêtera sa voix pour la Reine dans les Huguenots de Meyerbeer, remplaçant au dernier moment la chanteuse indisposée. En 1872, elle retourne aux Etats-Unis avec l'impresario Maurice Strakosch(1825-1887). Elle rencontre à New York le violoniste et compositeur français Emile Sauret (1852-1920) avec qui elle fait un récital au Canada. Ils repartent en Angleterre et se marient là-bas. Un enfant naîtra de cette union. En 1876, quittant Sauret, elle retourne à Boston et va alors aussi prêter sa voix à l'académie de chant de Mme Ruderdorff. Elle rencontre alors le baryton Giovanni Tagliapietra, avec lequel elle va se marier. De cette union, peu heureuse, naîtront trois enfants : Lulú (1878), Teresita (1882) et Giovanni (1885). À cette époque, Teresa Carreño effectue des concerts aux Etats-Unis et au Canada En 1885, elle retourne pour la première fois au Vénézuéla. Elle joue alors à Caracas le Trémolo de Gottschalk, la sixième rhapsodie de Liszt et son hymne à Bolivar pour choeur et orchestre. Postérieurement, Teresa Carreño a la charge de la réalisation de la saison d'opéra de Caracas de 1887. Elle prend parfois la baguette de chef d'orchestre et chante de temps en temps. Malgré de nombreux éloges, le public ne répond pas et c'est un fiasco financier. Elle revient alors aux USA avant de quitter son mari en 1889, amenant ses enfants Teresita et Giovanni en Allemagne. Elle fait là-bas une tournée triomphale. Ayant joué le concerto de Grieg, celui-ci lui dit : "Madame, je ne savais pas que mon concerto était si beau." Cependant, selon d'autres sources, Grieg critique son interprétation : "Le diable est dans ces virtuoses qui veulent toujours improviser sur tout." Selon Grieg, elle faisait des changements de tempo inexplicables. Jouant son concerto, elle remplaça les derniers arpeggios par des octaves, ce que n’a peut-être pas apprécié le compositeur. Elle se produit aussi dans divers pays européens et sa carrière est alors à son apogée. En 1891, elle rencontre Eugène d'Albert (1864-1932) avec lequel elle se marie un an plus tard à Londres. De cette union naissent Eugenia et Hertha. Ils s'installent dans un chateau en Allemagne et Teresa Carreño jouera le concerto de son mari. Cependant, ce mariage ne fonctionne pas non plus et ils se séparent en 1895. Pour faire face à divers problèmes financiers, Teresa repart en tournée en Europe et brièvement aux Etats-Unis. Au cours de ces tournées, elle rencontre Johannes Brahms qui dit que "Teresa Carreño est peut-être le meilleur pianiste de notre temps". En 1898, elle retourne aux Etats-Unis et retrouve Arturo Tagliapetra, le frère de son ancien époux. Elle se marriera avec lui en 1902 après encore des tournées en France, Etats-Unis, Cuba, Mexique et Canada. C'est enfin un mariage qui semble heureux. Elle va alors partir jouer aux quatre coins du monde en 1907-1908 et 1909-1911: Portugal, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Russie... En 1914, la première guerre mondiale restreint ses possibilités de concert et elle ne peut se produire que dans des pays neutres (Suisse, Hollande, Suède, Espagne). En 1916, elle séjourne à Berlin. Sa fille à Tunis et son fils à Milan sont alors arrêtés, suspectés d'être des espions allemands. Ils sont cependant vite libérés et Teresa retourne aux Etats-Unis. Elle donne encore plusieurs concerts dans des villes américaines et a même l'occasion d'offrir un récital privé au président Woodrow Wilson. En 1917, après avoir obtenu une chaire à l'Académie de Musique de Chicago, elle part en tournée en Amérique du Sud (Cuba, Vénézuela, Brésil et Argentine). Toutefois, à la Havane, le 18 mars, de graves problèmes de santé l'obligent à retourner à New York. Elle y meurt le 12 juin. Depuis 1977, ses restes se trouvent au Panthéon national de Caracas, Vénézuela. De même, en son honneur, le plus grand complexe culturel de Caracas, inauguré en 1983, porte son nom. Dans un Entretien réalisé en 1914 pour le magazine Etude, Teresa Carreño donne des conseils pour les pianistes. Notamment, ses clefs du succès : Un véritable Talent |
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Ses Oeuvres La carrière de virtuose de Teresa Carreño a totalement éclipsé ses talents de compositeurs. Elle jouait peu ses oeuvres en concert et ce n'est que très récemment que certaines ont été enregistrées. Si elles ont souvent été dénigrées a priori par les biographes comme les compositions féminines en général, elles furent cependant fortement louées par ses confrères dont Charles Gounod. Une grande quantité de sa cinquantaine d'oeuvres pour le piano a été composée pendant son enfance. Ses talents reconnus alors pour l'improvisation et sa grande créativité lui ont certainement facilité la tâche. D'ailleurs, son opus 1, la Gottschalk's Waltz est déjà une oeuvre complexe avec de nombreux changements de tonalité et la succession de plusieurs "valses" différentes. Dans les autres oeuvres de jeunesse, elle favorise les figures techniques, virtuoses, trilles, octaves rapides, sauts délicats... Peu à peu, on trouve des figures plus complexes et plus intéressantes au niveau mélodique et harmonique. Si elle continua à composer plus tard, mère de famille et concertiste infatigable, elle n'avait que peu de temps pour cela. Ses compositions ont été vendues un peu partout dans le monde et même en France et ont rencontré un réel succès, en particulier la Teresita Waltz ou Kleiner Waltz, composée pour sa fille Teresa Tagliapietra Carreño. Cette valse a un style très vénézuelien et a du séduire par son exotisme. Elle était régulièrement bissée dans ses concerts. En général, ses musiques sont assez courtes, demandant de grandes ressources techniques, avec souvent des rythmes séduisants d'Amérique du Sud ou d'origine africaine, dans la droite ligne des compositions de Gottschalk. A propos de la pièce un Bal en Rêve, le pianiste Marciano (1944-1998) écrit : "Précisément dans ce Bal en Rêve, on entend, chose très curieuse, au centre de la pièce, la réminiscence d'une danse ou, plus précisement, l'apparition du rythme d'une merengue vénézuélienne. Teresa Carreño, tout comme son enseignant Gottschalk, utilise des rythmes folkloriques, en les transformant et en les stylisant dans ses compositions. D'ici donc dérive l'utilisation magistrale de ce rythme tellement typique et certainement compliqué de la merengue vénézuélienne dans cette oeuvre de la jeune Teresa Carreño. Dans beaucoup de ses oeuvres, on croit entendre le style voilé d'une sérénade espagnole ou un rythme d'habanera accompagné d'une guitare." Nous trouvons aussi dans cet ensemble beaucoup de valses et autres oeuvres d'inspiration chopinienne ou européenne, à la mesure du répertoire qu'elle avait l'habitude de jouer. De même, Carreño ayant été prima donna occassionnellement, elle s'est aussi essayée à la transcription d'opéra. La Fantaisie sur l'Africaine de Meyerbeer, op.24 de même que la fantaisie sur Norma op.14 sont des oeuvres très virtuoses, monumentales. Son oeuvre sans doute la plus ambitieuse est un quartet à cordes en si mineur (1896), oeuvre osée et complexe. Notons aussi la ballade op15, oeuvre remarquable, composée à 12 ans seulement, fortement inspirée par Chopin, avec une grande richesse harmonique et thématique où on retrouve des élans de bravoure et de grands accés mélancoliques. Comme oeuvre très originale, petit chef d'oeuvre, notons aussi la fausse note, avec ses beaux accords et ses airs de valse vénézuélienne. Peu de CDs des oeuvres de Carreño sont disponibles. Teresa Carreño - Rêverie par Alexandra Oehler, 2013
Quelques vinyles enregistrés par Rosario Marciano existent aussi.
Ballade, op. 15 jouée par la pianiste allemande Alexandra Oehler <
Musique directement extraite du site d'Alexandra Oehler et aussi : Extrait du printemps par Clara Rodriguez Notons aussi les enregistrements que Teresa Carreño a effectués : Teresa Carreño, Pianist, 2004 avec des oeuvres enregistrées en 1905 de Smetana, Liszt, Chopin, Beethoven, Carreño. Bibliographie : - Franco Gurman, Teresa Carreño and her piano music, Thèse, Université de Floride, 2006 - Juan Francisco Sans, Teresa Carreño: Una excepcional compositora venezolana del siglo XIX, Revista de Investigación Nº 69. Vol. 34 Enero - Abril 2010. (lien) - Anne Albuquerque, Teresa Carreño : Pianist, Teacher and Composer, Thèse, University of Cincinnati, 1988. - Mario Milanca Guzman. Teresa Carreño: manuscritos inéditos y un proyecto para la creación de un Conservatorio de Música y Declamación. Rev. music. chil. 1996, vol.50, n.186, pp. 113-114 (lien) - Henry Charles Lahee. Famous pianists of today and yesterday, 1900 (lien) - Harriette Brower, Jeffrey Johnson, Piano mastery : talks with Paderewski, Hofmann, Bauer, Godowsky, Grainger - The Etude, Fevrier 1914, Teresa Carreño - Observations in Piano Playing (lien) - La Illustracion Española y Americana, Las Grandes Pianistas, Teresa Carreño, 30 juillet 1915. - Harold Schoenberg. The Great Pianists: From Mozart to the Present, 1987 Le livre qui a longtemps fait autorité sur Teresa Carreño est : - site web dédié à Teresa Carreño - biographie sur le site web de la biblioteque nationale du Venezuela
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Liste des oeuvres (avec quelques partitions)
Op
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Titre
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Source
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Op. 1 | Valse Gottschalk (1863) | L. Levy Collection |
Op. 2 | Caprice-Polka | |
Op. 3 | Rêverie Impromptu | Vassar College Library |
Op. 4 | Caprice-Etude | Vassar College Library |
Op. 5 | Une larme | Vassar College Library |
Op. 6 | Caprice-Etude | Vassar College Library |
Op. 7 | Caprice-Etude | Vassar College Library |
Op. 8 | Marche triomphale | |
Op. 9 | Corbeille de fleurs | |
Op. 10 | Souvenirs de mon pays (<1864) | Vassar College Library |
Op. 11 | Marche funèbre (<1864) | Vassar College Library |
Op. 12 | Prière (<1864) | Vassar College Library |
Op. 13 | Polka de concert | |
Op. 14 | Fantaisie sur Norma | IMSLP |
Op. 15 | Ballade | |
Op. 16 | Souvenirs de l'Angleterre | Vassar College Library |
Op. 17 | Plainte, 1ère élégie | |
Op. 18 | Partie, 2ème élégie | |
Op. 19 | 3ème élégie | |
Op. 20 | Plaintes au bord d'une tombe, élégie | |
Op. 21 | Plaintes au bord d'une tombe, élégie | |
Op. 22 | 6ème élégie | Vassar College Library |
Op. 23 | Mazurka | Vassar College Library |
Op. 24 | Fantaisie sur l'Africaine de Meyerbeer | |
Op. 25 | Le Printemps | |
Op. 26 | Un bal en rêve | |
Op. 27 | Une revue à Prague | |
Op. 28 | Un rêve en mer, méditation | |
Op. 29 | Le ruisseau | |
Op. 30 | Mazurka de salon | |
Op. 31 | Scherzo-Caprice | |
Op. 32 | ||
Op. 33 n1 | Deux esquisses italiennes : Venise | |
Op. 33 n2 | Deux esquisses italiennes : Florence | |
Op. 34 | Intermezzo Scherzoso | |
Op. 35 | Le sommeil de l'enfant / Polonaise en sib mineur | Gallica |
Op. 36 | Scherzino | |
Op. 37 | ||
Op. 38 |
Highland (souvenir de l'Ecosse) / Vals Gayo (1905) |
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Op. 39 | La fausse note | Gallica |
Op. 40 | Staccato(Capriccietto |
Sans opus connu :
Titre | Source |
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Andante Con Larghezzo | IMSLP |
Serenade cordes | |
Hymno | |
Etude-Mazurka | |
Danse de gnome | |
La petite boiteuse | |
Petite berceuse | |
Feuillet d'album, Lamartine | |
Voga... | |
Mi Teresita (1884) - Piano & Violon | IMSLP |
Kleiner Waltz | IMSLP |
4ème valse | |
Valse mélancolique | |
Romance | |
Himno a Bolivar | IMSLP |
Himno a el illustre americano | |
Quartet à cordes | IMSLP |
Danza | |
Nocturne | |
Petite danse Tzigane | |
Preludio | |
Sailing in the twilight (1875) |