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Louis Moreau Gottschalk: The Complete Solo Piano Music (Hyperion Records)

Une intégrale magnifique, mais incomplète.

Alors que nous annoncions, dans un billet antérieur publié il y a quelques années sur gottschalk.fr, la sortie possible d’un neuvième CD qui devait paraître en 2010 afin de clore la série des huit CDs de Gottschalk sous les doigts du talentueux pianiste d’origine irlandaise Philip Martin, nous apprenons finalement que le label Hyperion Records a mis un terme à sa superbe série gottschalkienne en proposant, depuis octobre 2011, une édition consistant en la collection des huit CDs déjà existants. Ce package, vendu à prix spécial, est présenté comme l’œuvre complète pour piano solo de Louis Moreau Gottschalk – une « intégrale » qui laisse malheureusement de côté quelques œuvres de Gottschalk d’un intérêt musical certain à notre avis, qu’elles soient originales ou transcrites par ses disciples. Toutefois, Philip Martin (cf. page 9 du livret de l’« intégrale ») a la grande honnêteté d’évoquer précisément dans une longue parenthèse le projet avorté du neuvième CD :

“(This might be a good time to explain why the proposed ninth CD never materialized. At the time of the release of Volume 8, there were apparently in existence some seven pieces left to record, but despite months of research, these works could not be traced. In fact, the only music I found was in sketch form and in my opinion, simply not worthy of the composer’s better efforts.)”

Quelles sont donc ces quelques sept pièces dont la trace n’a pas pu être remontée ? Quelles sont les esquisses repérées par Philip Martin ? Comment s’est déployé l’effort de recherche ? Pour notre part, nous pensons pouvoir dénombrer davantage d’œuvres laissées de côté. Il en va ainsi de la Marche funèbre dans sa version longue (c’est-à-dire incluant sa très belle section centrale 1), du Capricho Español (une œuvre qui servira de point de départ pour l’élaboration de l’éblouissant Souvenirs d’Andalousie), de la Grande Marche solennelle (initialement pour orchestre et transcrite pour piano par Arthur Napoléon), de la Pensée poétique2, de la Grande Valse de concert sur Faust de Gounod et de la Mazurka rustique ainsi que de petites pièces de moindre envergure comme la contradanza Ay! Lunarcitos !!, la danza Las patitas de mi sobrina ou encore Le Réveil de l’Aigle, une polka ironique mais dont l’intérêt est anecdotique. Aurait aussi pu figurer dans cet ultime et neuvième CD de Gottschalk l’une des versions pour piano solo de la Célèbre Tarentelle (celle de Napoléon, de Carvalho, ou mieux encore : celle d’Espadero). Pas assez de matière musicale donc pour faire un neuvième CD consistant, d’une heure de durée, quoique les compositions de Gottschalk eussent pu être complétées par des œuvres en référence ou en dédicace à lui ou des œuvres écrites par sa sœur Clara. Mais surtout le risque réel aurait été que cet hypothétique dernier CD eût été musicalement moins intéressant que le reste de la série. Pour Hyperion Records et Philip Martin, le choix a donc été le suivant : l’homogénéité et l’intérêt musical de la série l’ont emporté sur la complétude. Il faudra sans doute attendre encore longtemps avant d’entendre certaines pièces de Gottschalk au CD.

Les inconditionnels de la série Gottschalk d’Hyperion Records pourront se consoler par la consultation du livret du coffret, d’autant qu’il est aisé de se le procurer gratuitement, du moins dans sa version pdf (lien « View sleeve notes/artwork (PDF) »). En couverture, nous avons droit à une nième peinture d’Henri Rousseau (dit le douanier Rousseau), un peintre français dont le choix pour illustrer les pochettes des CDs Gottschalk s’est avéré excellent. A l’intérieur du livret, nous trouvons quelques reproductions de pages de garde de partitions de Gottschalk, pas les plus belles couvertures, mais celles des morceaux dont la notoriété est grande (Morte !!!, The Dying Poet, Minuit à Séville). Un index alphabétique situé en fin de livret permet de rapidement associer le numéro du CD à l’œuvre recherchée. Une biographie plus détaillée de Philip Martin est également présente. Plus intéressant encore est le bref texte de Philip Martin (en page 9 du livret – il s’agit du texte qui évoque, entre autres, le projet de neuvième CD) dans lequel nous en apprenons davantage sur la naissance de la passion de l’interprète pour la musique de Gottschalk : la première pièce de Gottschalk que Philip Martin a jouée fut Le Bananier, en guise de bis dans ses récitals. Une pièce des débuts du compositeur qui nous est chère.


1 Amiram Rigal est le seul interprète au CD de cette version longue de la Marche funèbre.

2 Pietro Galli interprète au CD cette œuvre.